Un temps pour vivre de la résurrection

Retrouvez l’édito de Mgr Le Vert pour le mois de mai 2025

Nous voici entrés dans le Temps pascal. Celui-ci dure cinquante jours, alors que le carême n’en fait que quarante : l’Église, dans sa pédagogie, nous offre plus de temps pour profiter de la grâce que pour la préparer ! Qu’est-ce qui nous aiderait alors à en vivre au mieux ? Peut-être en essayant de mieux percevoir ce qui caractérise ce Temps magnifique. Pour cela, penchons-nous sur l’évangile selon saint Jean, qui va nous y accompagner. Il nous donne certains détails concrets qu’on ne trouve pas dans les autres évangiles. Saint Jean écrit son évangile à la fin du premier siècle de notre ère, et il l’a médité longuement en l’écrivant.

Les récits de la Résurrection de Jésus commencent avec l’arrivée de Marie-Madeleine au tombeau « alors qu’il fait encore sombre » (Jn 20,1). Il fait surtout sombre dans son cœur. À ce moment-là, aucun disciple encore ne pense à la Résurrection. Nous qui connaissons la fin de l’histoire et qui bénéficions de 2000 ans de méditation sur la résurrection du Sauveur, nous avons sans doute du mal à imaginer l’angoisse, la tragédie intérieure sans solution, sans lendemain, que représente pour les disciples la mort du Christ. Et parallèlement, nous ressentons mal la joie immense qui fut la leur quand enfin ils ont compris qu’il était vraiment ressuscité.

Dans l’évangile, il y a d’ailleurs une chose surprenante qui montre cette stupéfaction : il nous est dit que des anges sont apparus aux premiers « découvreurs » du tombeau vide. Et cela ne semble pas les surprendre ni les intéresser outre mesure. Parce que les anges, ce ne sont pas Lui, ce ne sont pas le Seigneur ! La seule chose qui les intéresse et les motive, c’est Lui ! C’est de le retrouver, de l’écouter, de le toucher. Pour nous, le Temps pascal, c’est aussi cela : rester fixé sur Jésus ressuscité, le centre de notre foi, auquel tout le reste se rapporte ! Ce qui va nous importer, ce n’est pas le comment de la Résurrection ; c’est son pourquoi, c’est la foi qui va s’y fixer. La vertu première du Temps pascal, c’est donc la foi.

Et puis, il y a le commandement de Jésus à Marie-Madeleine : « Va trouver mes frères et dis-leur » ; et celui fait aux apôtres : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Le Temps pascal est donc un temps de mission ! Nous sommes appelés à rayonner de la joie de la Résurrection, de cette certitude que le Christ Jésus est vivant, et que c’est lui qui oriente notre existence.

Le Temps pascal est aussi le temps de la paix. Jésus, dans les deux premières apparitions aux apôtres, va dire par deux fois : « La paix soit avec vous ». Ce n’est pas un vœu ; c’est un don ! Seule la Résurrection peut donner la paix véritable, car elle est la victoire définitive de la lumière sur les ténèbres. Et cette paix, nous la recevons et nous la conservons grâce à l’Esprit Saint. Car dans l’évangile de saint Jean, le don de l’Esprit Saint prend une connotation particulière : il est lié à la paix et à la miséricorde, au pardon des péchés : « Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : ‘‘La paix soit avec vous !’’ …  Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : ‘‘Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis’’ » (Jn 20, 22-23). Le Temps pascal est un temps tout spécialement dédié à la prière à l’Esprit Saint. Pas seulement parce que la Pentecôte en est le point de mire, mais aussi parce que nous avons plus que besoin de la présence et de l’action de l’Esprit Saint pour que la paix habite notre cœur et notre monde. Nous avons besoin de l’espérance qui vient de la miséricorde infinie de Dieu.

Car le Temps pascal est aussi un temps d’espérance. Après les premières apparitions du Ressuscité, sans doute que les apôtres ont espéré à chaque minute le revoir encore ! Et malgré leurs doutes (cf. Mt 28, 17), malgré leur peur (cf. Jn 20, 19), après l’Ascension ils ont attendu plusieurs jours la venue de l’Esprit Saint, comme Jésus le leur avait recommandé (cf. Lc 1, 4-7). En cette année jubilaire, nous, pèlerins d’espérance, profitons du Temps pascal pour « faire le plein » d’espérance !

Pourquoi la résurrection est-elle si importante pour nous ? Pourquoi est-elle le centre de notre foi ? Parce qu’elle est la réponse du Père à la Croix, au « Pourquoi m’as-tu abandonné ? », et à toute la vie de Jésus. La Résurrection, c’est le « oui » du Père à l’Incarnation du Fils. C’est le « oui » du Père à la demande du Salut des hommes par le Fils. C’est « l’acceptation » par le Père du sacrifice du Fils. Si Jésus n’était pas ressuscité, sa vie aurait été inutile pour nous. La Résurrection donne toute sa valeur à la Croix. Cela veut dire que le Père reconnaît que Jésus a toujours fait Sa Volonté. La Résurrection n’est pas « accessoire » : la Croix seule n’aurait pas suffi. « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi », s’écriera saint Paul.

La Résurrection est à la fois un mystère et un miracle. C’est un miracle : constatée historiquement par des témoins, ils ont pu toucher le corps de Jésus, ce corps qui est le même que celui qui a été reçu de la Vierge Marie, numériquement le même, bien qu’il ait changé d’état, qu’il soit transfiguré. Mais la Résurrection est aussi un mystère : le corps de Jésus n’est plus vulnérable, il ne peut plus mourir, mais il porte toujours et pour l’éternité les stigmates de la Passion. Le Christ glorieux porte à jamais la voie qui l’a mené à la gloire ; il montre à jamais sa souffrance dépassée et le Fils glorifiée. Le mystère, c’est que Dieu n’a a pas voulu d’un Christ immédiatement glorieux, ni donc d’une Église immédiatement glorieuse. Il a voulu un Christ ressuscité, une Église ressuscitée, passant par la mort. Cela, ce n’est pas un miracle, mais un mystère !

Vivre le Temps pascal, c’est essayer d’entrer dans ce miracle-mystère de la Résurrection. C’est le contempler intensément comme ce qui donne son sens à l’Église, corps du Christ ressuscité ; le contempler comme ce qui est la source de notre foi, de notre paix et de notre espérance ; le contempler comme ce qui donne son sens à la Croix et à nos croix ; le contempler enfin comme ce qui est la source et le modèle de ce qui nous attend nous-même.

+ Jean-Marie Le Vert

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